vendredi 6 octobre 2017

Les subprimes de l’art contemporain

Souhaitant me rendre aujourd'hui au Bozar Accessible Art Fair, j'ai constaté avec étonnement le prix - selon moi - exorbitant du ticket d'entré : 15€.
Cela m'a poussé à poster ici une version plus aboutie (et moins virulente - mais sincère) d'un précédent billet portant sur le même sujet, texte rédigé en juin 2016, initialement prévu pour La Revue Nouvelle.

L’art contemporain, pour quoi faire ? 


























La scène est connue :
Un visiteur lambda se retrouve, un peu par hasard, dans une galerie d’art ou un musée d’art contemporain. Soudain le voilà face à une œuvre faite de traits difformes et sans apparente cohérence. Deux, voire trois couleurs se disputent la surface d’une petite toile blanche minimaliste affublée d’un titre mystico-poétique. « Ma nièce de 4 ans fait mieux que ça. » ; « Cela, j’aurais pu le faire aussi. » ; « Je n’y comprends rien, pour moi ce n’est pas de l’art. ». La scène est connue, vécue, parodiée et même assimilée, notamment par les galeries et musées, lesquels se disent probablement que ce public n’est de toute façon pas destiné à comprendre les œuvres qu’elles exposent fièrement.

Autre scène connue :
Une classe de secondaire d’une école dite « difficile » de Bruxelles, une de ces fameuses écoles « poubelles » ou « ghettos », à la population « fragile », voit un courageux professeur organiser une sortie culturelle dans un musée d’art contemporain. L’objectif est louable mais ambitieux : sortir quelques heures des murs de l’école dans l’espoir de faire découvrir le génie artistique valorisé dans ces beaux endroits où la plupart de ces étudiants n’ont jamais mis un pied. Bravant les acrobaties administratives et organisationnelles nécessaires à une telle sortie, c’est motivé et de bonne foi que le professeur les traîne dans une alcôve de culture et d’art, afin de les ouvrir au monde et de leur permettre, peut-être, de vivre un déclic salutaire.

Mais une fois passée l’introduction, ce jeune public se retrouve confronté à la même petite toile blanche aux traits hasardeux, ne leur inspirant qu’hilarité, incompréhension et mépris.

Dépité face à son échec cuisant, fâché et vexé, le professeur épuisé se convainc qu’il se ne sert à rien d’apporter un peu de culture à un public qui ne le mérite pas. Les galeries et musées se voient rassurées dans leurs choix artistiques, car ce public n’est de toute façon, selon eux, pas capable de comprendre.

Un troisième cliché :
Vernissage d’une exposition dans une galerie d’art prestigieuse : un parterre très bourgeois s’extasie devant les quelques traits sauvages miraculeusement recueillis sur une petite toile blanche. Le public se félicite d’assister à une si talentueuse démonstration artistique, se remémore les autres expositions où le génie torturé a précédemment exposé. Il étale ses connaissances et relations, est content de frayer entre semblables, consolidant chaque fois un peu plus l’intimité du cercle créé dans les hauts lieux de la culture artistique contemporaine. En aucun cas, ces happy few ne souhaiteraient débattre du contenu avec ces quelques visiteurs interloqués, perdus, qui prétendent que leur nièce peut faire de même. Ils ne souhaitent pas non plus expliquer le message qui se cache derrière ces quelques traits à d’un public de jeunes issues d’écoles difficiles, la tâche leur semble insurmontable.

Ces trois scènes, clichés ou histoires vécues, tendent à nous faire croire que l’art contemporain sert à exclure.


Un marché avant tout
Quel est le rôle de l’art contemporain ? Difficile à dire, tant chacun a le droit d’avoir sa propre opinion sur le sujet ; tout comme chacun a droit à sa propre définition de l’art. Ma vision du rôle de l’art contemporain s’articule autour de quatre axes : éveiller, introduire, dénoncer, exprimer. Voilà qui est large et englobe une multitude d’œuvres et d’artistes que je n’apprécie pas le moins du monde, mais là n’est pas la question, précisément.

Mais quid d’un artiste qui n’arrive ni à éveiller une classe de jeunes ni à introduire un visiteur lambda au monde artistique ? Si une petite toile blanche parcourue de quelques traits ne dénonce rien et n’exprime rien, de quoi parle-t-on alors exactement ? Pour le comprendre, il faut s’interroger sur l’organisation du monde de l’art contemporain.

Celle-ci prend essentiellement la forme d’un marché. Il n’y a d’ailleurs pas de mal à cela : si des artistes arrivent à apporter au monde de quoi éveiller, introduire, dénoncer et exprimer, alors ils doivent être rémunérés pour leurs efforts, c’est la moindre des choses. Après, le marché décidera de la cote de l’un ou de l’autre, tout cela n’est – malheureusement – qu’une question de réseaux, de lobbying, de représentations, de moyens financiers, et puis, parfois, de soutien de certaines galeries d’art. 

Mais ce marché peut être analysé et ensuite exploité, voire détourné. De nombreux grands « génies » de l’art l’avaient bien compris, qui mirent en place une très efficace démarche cynique de production à outrance. Vous êtes vous déjà demandé combien de peintures Picasso a produites, et pourquoi on en trouve de nombreux exemplaires dans presque tous les musées du monde ? Il a inondé un marché. Andy Warhol a réussi à vendre des trames de couleurs ou des cubes géants de poudre à lessiver avant de créer, cyniquement toujours, une Factory, qui produira de quoi acheter « de l’art », ou ce qui était présenté comme tel, à une nouvelle clientèle désireuse d’afficher sa culture et son aisance. Il n’est alors plus question que de satisfaire la demande du marché.

Génie artistique et génie marchand peuvent donc être combinés, mais ne le sont pas nécessairement. Entre le médiatique imposteur et l’artiste maudit, la palette de nuances est infinie.

Des bulles artistiques

En 2016, les galeries et musées bruxellois nous offrent-elles encore des exemples de doubles « génies », virtuoses par leur technique et par leur maîtrise du marché ? Le doute est permis. Ne crachons pas sur l’ensemble des personnes impliquées dans la sélection et la présentation des œuvres d’art contemporaines, il en est qui remplissent leur rôle convenablement. Cependant, trop nombreuses sont celles qui se sont perdues dans les dérives du marché, sans pour autant y comprendre quoi que ce soit.
Ainsi, Bruxelles a accueilli récemment de nombreuses foires d’art contemporain, présentant jusqu’à l’écœurement une multitude d’œuvres et d’artistes connus/reconnus. Est-il sincèrement possible d’exposer autant de talents remarquables, autant d’œuvres visant à éveiller, introduire, dénoncer et exprimer ?

Des expositions, des musées, j’en ai vu des centaines dans ma vie, peut être même des milliers. J’ai eu la chance d’avoir une éducation (cf: "Les Nabilla du Jihad") qui m’a ouvert l’esprit à l’art contemporain en particulier. J’ai également eu celle de fréquenter une école où l’art (théâtre, musées, arts du cirque,…) était partie intégrante du programme scolaire et transmis par des professeurs convaincus de ses bienfaits pour notre éducation. J’ai peut-être aussi la chance de reconnaître dans quelques traits bruts sur une toile blanche une expression ou une réflexion que peu verraient sans information complémentaire. 


Mais ce que je vois à Bruxelles depuis des mois, je n’en peux plus… On a beau être ouvert et peu critique, quand le marché devient aussi débile qu’une émission de télé-réalité, il faut oser le dire. Ou en tous cas dire qu’on n’y adhère pas. Une (très) grande partie de ce qui nous a été présenté lors des dernières foires bruxelloise avait le niveau d’un Loft Story : du vent, du vide, de l’idiotie. Pas de cynisme, pas de talent caché, pas de message trop complexe, non, rien de tout cela. Il n’y avait juste rien à en tirer. Dès lors pourquoi nous présenter cela ? Parce que le marché l’accepte, et que des gens qui n’y comprennent rien se définissent comme acteurs de ce marché.

Mais également pour les raisons fiscales…

Si les succursales belges de galeries prestigieuses poussent comme des champignons dans certains quartiers de Bruxelles, ce n’est certainement pas pour valoriser la production artistique locale ou combler la demande d’un public d’acheteurs peu exigeants. Les clients de ces galeries sont américains, russes, chinois ou émiratis. Ils achètent des œuvres facturées via la succursale belge, ce qui permet non seulement d’échapper à la TVA (acquisition intra-communautaire pour l’Europe, import/export à l’international), mais permettrait également quelques souplesses dans la dénomination des factures.

Vous souhaitez blanchir 50.000€ d’impôts? Achetez une ‘œuvre’ d’art contemporain sur catalogue ou par téléphone, auprès d’experts du milieu travaillant pour des galeries à la renommé internationale. Faites vous facturer par la petite succursale belge pour « architecture d’intérieur et travaux de rénovation de bureau ». Voilà vos 50.000€ - hors tva et net d’impôts – transformés en une pièce d’art contemporain.
N’accusons bien sûr pas toutes les galeries de tels procédés, mais rajoutons dans l’équation que beaucoup de ces galeries prennent entre 30 et 60% de commission sur les ventes. C’est normal me direz-vous, c’est leur business. Mais c’est dès lors leur intérêt de surévaluer les productions artistiques, voire d’introduire sur le marché ce qui ne mérite pas d’y figurer une seconde ! Ceci grossissant toujours un peu plus la bulle spéculative créée par un public qui achète trop souvent sans autre motivation que l’évasion fiscale.

La demande créant l’offre, les galeries ont tout intérêt à proposer le plus d’œuvres possibles. Par ailleurs, l’écrémage artistique qui définissait leur rôle initial perd de son intérêt. Au final à quoi bon présenter de la qualité puisque le public se contentera de peu ? Voire de très, très peu. Si le cynisme, la provocation et le bluff eurent un temps leur place, il semblerait qu’aujourd’hui la facilité et la complaisance occupent le terrain.



 Admettons un instant que ces montages fiscaux et autres bulles spéculatives n’existent que dans mon esprit, il reste peu crédible que ce qui nous a été présenté lors des récentes foires bruxelloises soit le fruit d’une sélection critique. Quand bien même Bruxelles ne serait qu’une ville de province aux yeux des grandes galeries, la sélection d’œuvres présentées à un public belge soi-disant « exigeant » et « connaisseur » nous ridiculise à chaque nouvelle foire. 

De fait, lors d’une récente foire, estomaqué devant une série d’œuvres qui n’avaient pas grande profondeur, il fut difficile (en réalité, impossible) d’avoir un explicatif à la hauteur de l’espace que ces œuvres occupaient. « Il vient de Berlin, mais maintenant il vit à New York. » ; « Elle vient de New York, mais maintenant elle vit à Berlin. ». Certes, mais encore ? « Cette œuvre date de 2013. » Et ? C’est tout. On dirait une blague, un cliché, une exagération de ma part, mais cela correspond à la triste réalité. 

Devant des monochromes blancs, réalisés en 2016 en plus, que peuvent bien nous raconter les exposants lorsqu’ils n’ont même pas pris la peine de combler le vide artistique par une quelconque fumisterie linguistique ? De toute façon, ils ne semblent pas là pour inculquer le sens profond de l’art aux visiteurs, mais bien de vendre l’invendable à une clientèle précise. Prenons un autre exemple : sur un petit tréteau métallique blanc est posé un pot de crème glacée vide, tenant en équilibre sur le rebord supérieur grâce à une cuillère à café. Sommes nous dans l’installation ? La performance ? On a beau essayer, on comprend difficilement comment cela peut finir dans une foire d’art contemporain, voire dans une quelconque galerie. Ces exposants pourraient encore se défendre en présenter « une œuvre qui n’inspire rien et qui est inexplicable. » Mais encore faudrait-il que nous soyons assez bête que pour se retrouver devant une interrogation sur l’œuvre précise plus que sur la place qu’elle occupe dans l’espace. 

Trois étages plus haut, deux arbres à chats sont délicatement posés sur un beau tapis rose. J’apprendrais plus tard qu’une de ces œuvres date de 1997 et a été exposée dans des galeries renommées internationalement. Le raccourci est facile : ce qu’une galerie prestigieuse aura alors exposé fièrement se retrouvent 20 ans plus tard dans une foire bruxelloise. La blague s’essoufflerait-elle ? Je pourrais continuer les exemples, plus indéfendables les uns que les autres en terme de contenu, portée, message, technique. Il ne s’agit pas d’incendier des pseudo-artistes ou des galeristes spécifiques, mais il est peut-être temps de dire stop à une dérive commerciale engendrant une chute qualitative aussi hallucinante qu’évidente. 


Bruxelles mérite mieux que cela, surtout maintenant ; mieux que des foires dans lesquelles des galeries viennent sortir leurs poubelles, associant quelques noms ronflants avec une kyrielle de blagues artistiques aussi affligeantes les unes que les autres. Des monochromes et des arbres à chats ? C’est ça la tendance artistique qu’on nous sert à Bruxelles. Pauvre ville qui, à force de voir son identité effacée décennies après décennies, se retrouve au centre d’un marché artistique nauséabond au discours aussi intelligent qu’un cendrier vide.

samedi 29 avril 2017

Marine Le Pen, VRP d'une Fraude Nationale

Fasciste, nazi, collabo. Ces termes choquent-ils encore vraiment ? A quoi font-ils référence ? Sommes-nous dans le domaine de l'insulte ? De la diffamation ? Seriez-vous perturbé d’être associé à ce qualificatifs ? Vous devriez l'être, mais malheureusement, cela n'est plus vraiment le cas. La montée du FN n'est plus une montée, mais une présence. Une présence constante, assise, que l'on «banalise », qu'on accepte, qu'on trouve normale, voire qu'on adoube. 'Raciste' ne sera bientôt plus un qualificatif honteux, ni même une insulte. On trouve des abrutis qui 'assument' fièrement le fait d'être raciste. Ils diront que c'est leur droit, qu'ils ont bien réfléchi et que oui, ils trouvent que certaines races sont inférieures (à eux... c'est dire...), que toutes les cultures ne doivent pas coexister car la multi-culturalité serait un échec, qu'il n'y a pas à avoir de honte à rejeter telle nationalité ou telle ethnie, etc. Ces raccourcis de pensée pousseront donc bientôt vers une banalisation du racisme, au même titre que la présence d'un parti xénophobe au second tour des présidentielles françaises.

Le pire ne choque plus
Fini l'électro-choc du 21 avril 2002. Maintenant on accepte qu'un parti dont l'omni-présidente fanfaronne avec des anciens nazis, danse avec des collabos, et trinque avec des fascistes. Et ça ne choque pas son électorat, car pour beaucoup (trop) de 18-35 ans, 'fasciste', 'nazi', 'collabo', ça n'évoque plus rien de vraiment spécial.  Comment dès lors 'lutter contre le Front National' si le pire ne choque plus ? 


Bien qu'on marche ici sur la frontière de l'acceptation morale, ces partisans sont prêts à s'aventurer en territoires xénophobes, au prétexte d'y conquérir un droit de pensée fier et indépendant sous couvert de leur nouvelle identité de Raciste, reconnue et acceptée par ces instances banalisées.

Les partisans du FN étant convaincus de la probité de leurs dirigeants ne sont aucunement dérangés par l'association du parti avec les qualificatifs mentionnés plus haut. «On exagère »,  «l'important c'est le programme »,  «il faut tout de même admettre qu'il y a un problème avec les étrangers », etc. Bien qu'on marche ici sur la frontière de l'acceptation morale, ces partisans sont prêts à s'aventurer en territoires xénophobes, au prétexte d'y conquérir un droit de pensée fier et indépendant sous couvert de leur nouvelle identité de Raciste, reconnue et acceptée par ces instances banalisées.  «Je suis raciste et j'en suis fier » entendrons-nous donc bientôt. Peut-être l'avez-vous même déjà entendu. 

La Fraude Nationale
Le FN est encore parfois, mai si peu, qualifié par les médias et les politiques de parti xénophobe, fasciste, extrémiste. Le FN s'en défend timidement, en bon équilibriste entre ceux qui ne souhaitent pas le percevoir comme tel et ceux qui s'en contrefichent. Alors à quoi bon encore perdre son temps à s'offusquer en soulignant à quel point les partisans de longue date du FN baignent dans ces relents fascistes nauséabonds ? Si le FN ne peut plus être mis en déroute en présentant simplement l'absurdité de son programme et son vomi idéologique, comment faire comprendre à ceux qui seraient tentés de voter pour eux à quel point ce parti est une fraude ? Et bien justement, en parlant de fraude. Car le FN, ce parti extrémiste, fasciste et raciste, est avant tout entreprise familiale. 

Front National S.A. 
Fondé par le père, assis sur la cagnotte, dirigé actuellement par la nièce, avec son compagnon comme vice-président, puis une autre nièce pour la vitrine ultra-catho, dont l'ex-mari organisait les meetings du parti. Ce n'est que la surface visible, mais ça sent quand même mauvais le cercle intime... Alors qu'un Fillon s'est fait – à juste titre – incendier politiquement suite à la découverte de présumés emplois fictifs pour toute sa smala, à l'heure où l'honnêteté et la transparence en politique seraient en passe de redevenir essentielles, pourquoi, mais bon sang POURQUOI les politiques et médias continuent d'attaquer le FN sous un angle devenu complètement indolore pour leurs représentants ? Surtout lorsque se présente à eux toutes les dissonances propres à une entreprise au management très bancal.


Fondé par le père, assis sur la cagnotte, dirigé actuellement par la nièce, avec son compagnon comme vice-président, puis une autre nièce pour la vitrine ultra-catho, dont l'ex-mari organisait les meetings du parti. Ce n'est que la surface visible, mais ça sent quand même mauvais le cercle intime...


Si j'étais Macron 
Lors du débat télévisé d'entre deux tours, Macron se retrouvera face à Le Pen dans un débat annoncé technique, portant sur les grandes lignes économiques de leurs programmes (à défaut de porter sur le contenu sociétal et autres grandes visions d'avenir). Mais vu les programmes des deux protagonistes, et surtout, vu le grand-guignolesque de leurs interventions en tribune, nous risquons de nous retrouver vite face à un vide sidéral de contenu politique.
Le discours de Marine Le Pen est déjà connu, et ses lignes d'attaque envers son opposant le sont également. Le candidat des riches, la continuité de Hollande, le banquier, l'ultra-libéral, le pro-européen,... tout ça est connu et rabâché depuis longtemps. Macron quant à lui s'attardera probablement sur le repli identitaire dans un monde globalisé, sur les absurdités économiques tels que le retour au Franc, sur son inexpérience, etc. De plus, Macron risque rapidement de porter l'étendard de la bienséance morale, et tenter à nouveau de provoquer un énième inutile électro-choc en comparant la Le Pen et son parti aux pires références historiques du XXème siècle. Un coup dans l'eau perdu d'avance vu la banalisation du fond de commerce du FN. On connait déjà la chanson, et aucun de ces échanges ne changera probablement d'un iota l'opinion des téléspectateurs. 
Macron ferait mieux d'attaquer son opposante politique sur le terrain plus délicat de la gestion interne de son parti, et plus précisément sur l'aspect purement familial, népotiste, filial, voire incestueux des hauts postes attribués en son sein. 
Macron pourrait (et devrait) s'adresser à Marine Le Pen non pas comme une opposante politique, non pas comme un 'autre projet de société', non pas comme 'une catastrophe pour la France', mais bien à Marine Le Pen, VRP de la FN S.A., cette société aux organes opaques, dont les financements restent propriétés d'une seule et même famille, et ce depuis des décennies. 



Marine Le Pen la candidate du peuple ? Combien de ces personnes issues du peuple ont leur mot à dire dans son programme politique ? Combien d'entre-elles ont un rôle actif dans les instances du parti ?

Marine Le Pen la candidate du peuple ? Combien de ces personnes issues du peuple ont leur mot à dire dans son programme politique ? Combien d'entre-elles ont un rôle actif dans les instances du parti ? Si elle accède au pouvoir, qui placera-t-elle aux commandes ? Son compagnon comme Ministre de l'Intérieur ? Sa nièce comme Ministre de la Santé ? Son père comme Ministre des Finances ? Oh il y aura bien Philippot quelque part, cet énarque, animal politique absolu qui a trouvé au FN la tribune qu’il n’a pas eu le talent de glaner ailleurs, mais ça, c'est ici aussi, de la façade. D'ailleurs, le père Le Pen n'a jamais caché son profond dégoût pour la  «Jaquetta » chargée de com' du FN. On est moins tendre avec ceux qui ne partagent pas les mêmes gènes...
Bref, si Marine Le Pen accède au pouvoir et distribue les postes à  «ses proches collaborateurs », on risque bien de retrouver les actionnaires de la FN S.A. Au sein du gouvernement. Là où Fillon a lamentablement laissé filer la place acquise de Président pour des histoires de favoritisme familial, les partisans du FN ne trouveraient rien à redire face à pareille situation au sein d'un parti se disant irréprochable moralement ?
"Front National Société Anonyme", voilà comment Macron devrait parler du parti de celle qui use et abuse des  «UMPS » (et du ridicule  «LRPS »...), et demander comment sont distribuées les parts de cette société au sein d'un groupuscule familial. Lui parler d'argent, de son argent, pas d'économie. Lui poser les questions qui la dérangent personnellement, pas celles dont les répliques seront rédigées par Philippot. Lui demander comment 'la candidate du peuple' fait pour boucler ses fins de mois, et qui compose réellement son bureau politique. Des questions pratiques, pas politiques. 

A l'heure des réflexions stratégiques sur le combat politique entre deux  
«visions » d'une France, il faut malheureusement enterrer du prochain duel télévisé les références à une histoire putride et ses souvenirs fascistes, racistes et xénophobes. Cela n'a plus d'impact, cela ne choque plus, cela ne dérange plus. 


Les châtelains du peuple
Sans même évoquer la dissonance entre son pseudo dogme anti-système et anti-européen et son salaire de députée européenne, ne jamais la considérer comme une politicienne, encore moins comme la représentante d'une 'alternative catastrophique pour la France', il faut la laisser à son vrai niveau, au niveau de ce qu'elle est réellement : une vendeuse de tapis de misère idéologique dont l'arrière boutique est gérée uniquement par une même famille. Une famille qui à l'instar de nombreux politiciens européens aura compris, il y a de ça des décennies, qu'un positionnement marketing surfant sur le racisme et l'exclusion leur apporterait la présence et les fonds nécessaires à la croissance, non pas celle de l’économie française qui générerait de l’emploi, mais bien celle d’un patrimoine familial qu’on se partage en cercle restreint.


Il faut laisser Marine Le Pen à son vrai niveau, au niveau de ce qu'elle est réellement : une vendeuse de tapis de misère idéologique dont l'arrière boutique est gérée uniquement par une même famille. 

Car de qui parle-t-on lorsque l’on évoque « la candidate du peuple » ? D’une entreprise familiale qui se partage à Saint-Cloud, aux portes de Paris, un manoir dont la valeur serait estimée à 9 millions d’euros selon le journal Le Parisien. Le domaine de « Montretout », qui ne monte pas grand chose, puisque l’entreprise, pardon, la famille Le Pen, en déclare une valeur de 2,5 millions d’euros. Une demeure acquise grâce au fruit du travail de la famille Le Pen ? Sûrement pas. Le domaine revient dans le giron du clan Le Pen en 1976, suite au décès – à l’âge de 42 ans – du jeune milliardaire Hubert Lambert, héritier des Cimenteries du même nom. Lambert, séduit par les idées du Front National, avait en effet désignéJean-Marie Le Pen comme son légataire universel
Voilà donc comment « la candidate du peuple » auto-proclamée s’est retrouvée actionnaire d’une entreprise familiale établie dans un château « qui sentait la mort ». Comme son programme.
Et Marine Le Pen, en 2017, jouera encore le rôle d'épouvantail faisant fuir les curieux de ses terres familiales en croissance sous couvert d'une politique affreuse.



Post rédigé avec la précieuse collaboration d'Albin Wantier

dimanche 24 avril 2016

Quand les galeries d’art sortent leurs poubelles à Bruxelles


Cette fois, la coupe est pleine. Ce weekend, ce fut l’overdose. À Bruxelles, elles ne font même plus semblant, les galeries d’art, du moins certaines, voire de la majorité d’entre elles.
Cessons cette mascarade, et secouons-les : (re)faites votre boulot convenablement. Et c’est quoi votre boulot, d’ailleurs ? Découvrir, exposer, faire découvrir, et vendre. Dans cet ordre, et il n’y a aucun mal à cela, c’est un business comme un autre. Sauf quand on se fout ouvertement de notre gueule, comme cela devient de plus en plus la norme à Bruxelles. 

Et il y en a marre.




Plutôt que de porter un jugement purement/bêtement subjectif, je tiens à préciser que je fréquente assidument tous les musées et galeries d’art des nombreuses villes où je passe, et ce depuis deux décennies. Je considère être très ouvert d’esprit en ce qui concerne l’art contemporain, j’ai la prétention d’avoir un background culturel me permettant de comprendre ce à quoi j’ai affaire la plupart du temps, et je serai toujours le premier à défendre le suprématisme auprès de ceux qui n’y verraient qu’une grosse blague. Tant qu’à en rajouter une couche, je pourrais même prétendre avoir un œil éclairé, averti, voire expert dans le domaine. 




Je m’estime donc en droit de donner ouvertement mon avis : Bruxelles n’accueille plus que les poubelles des galeries d’art.
Déjà estomaqué par certaines récentes résidences du Wiels (tout de même censé être un benchmark de l’art contemporain à Bruxelles), depuis des mois je collectionne les déceptions visuelles au point de me demander si cela vaut encore la peine d’essayer. Et pourtant, la quantité d’expositions, de galeries et de foires ne cesse d’augmenter, de manière absurde ! Est-ce pour autant une bonne chose ?



Berlineke
« Bruxelles, le nouveau Berlin ». Le plein mort qui a osé sortir une telle imbécillité a probablement été briefé par une agence RP afin de calibrer sa brosse à reluire sur les investissements financiers à y réaliser avant le piétonnier et les récents attentats. Pourtant, les galeries d’art se multiplient à Bruxelles depuis 3 ans, et ce dans deux quartiers très spécifiques (haut de Saint-Gilles et quartier Abbaye/Bascule). Ces enseignes renommées à Paris ou New York y vont chacune de leur succursale bruxelloise. Nouveau Berlin vous dites ? C’est sans doute oublier les raisons fiscales qui permettent à ces mêmes galeries de facturer leurs clients américains, chinois, russes ou des émirats sans tva, avec des dénominations de factures aussi nébuleuses que le talent des jeunes artistes exposées dans ces fameuses succursales bruxelloises...



Malgré les efforts de certaines galeries, désireuses de montrer un travail intéressant, toutes les bonnes initiatives se voient phagocytées par des « foires » qui ne porteront jamais aussi bien leur nom ; foires dans lesquelles des galeries au nom parfois prestigieux viennent péniblement nous infliger les dernières fumisteries de « jeunes talents ».

Un avis de frustré ?
Jugez plutôt par vous-même. Pas de noms d'artistes, pas de noms de galeries. Car si vous avez besoin d'un background ou d'un cv, c'est que vous non plus n'avez alors rien compris au(x) talent(s) caché(s) derrière ces fulgurances artistiques contemporaines. 




Voilà comment ces galeries parfois très renommées viennent tuer dans l’œuf des initiatives telles que celle de l’Independent, située rue de l’Ecuyer, qui ouvre ses portes ce mois d’avril, avec un accès gratuit.
Commissionné par une agence RP pour faire du push sur Instagram, j’ai visité les lieux ce vendredi. Voilà que sur 5 étages, des tonnes de fumisteries plus misérables les unes que les autres s’étalent dans une aisance fainéante, sans mise en scène ou explication. Le bon et le pas mal sont noyés dans une marrasse nauséabonde empestant la blague à la technique absente. J’ai bien essayé de parler un peu de contenu avec quelques exposants, mais rien de bien malin n’en est sorti. Particulièrement sidéré par quelques « œuvres » exposées, j’ai tenté d’en savoir plus sur le fond, l’histoire, le contenu, le message. Là encore, rien. On se contente de placer « c’est un(e) artiste qui vit/travaille/a travaillé/a vécu à New York ». Un peu faible quand même que pour valoriser un travail artistique. Ce n’est pas parce que ça vient de New York que c’est bon, et que ça mérite une place dans le nouveau Berlin, hein.



A 200 mètres de l’Independent, sur la place de la Monnaie, Marie Skeie, artiste norvégienne, montait une installation temporaire : une carte géante de l’Europe faite avec des pièces de 20 centimes. L’œuvre allait ensuite rester sur place afin d’interagir avec le public, et voir comment les passants allaient se comporter, notamment « avec les frontières ». 



Ludique, participatif (les passants pouvaient placer des pièces sur la carte), interactif, contenant un message, apportant une réflexion. Voilà une mission artistique qui, selon moi, remplit son objectif. Cette installation temporaire est le seul espace ayant, à ce jour, été alloué à cette artiste de 35 ans. Et encore, grâce au service culture de la Ville de Bruxelles. Bravo, les galeristes… 



« Il n'y comprend rien » VS « Nous seuls avons compris»

Prenons un peu moins de hauteur et appelons un chat un chat : les galeries d’art exposent trop de merdes. Voilà mon beau plaidoyer réduit à néant en termes de crédibilité car j’aurais osé assimiler certains nouveaux génies de l’« art contemporain » et « merde ». Mais le terme si grossier aux yeux des galeristes est à considérer dans son sens second : « chose sans valeur ». Car à partir du moment où un artiste, s’il est défini comme tel, notamment par une galerie, produit une chose qui n’exprime rien, qui n’apporte rien, qui ne crée aucune émotion ni ne dégage aucun message, il s’agit alors bel et bien d’une chose sans valeur. Et cela déteint malheureusement sur les œuvres de qualité, ou les galeries qui font correctement leur boulot, sans arnaque, sans fumisterie, sans prétention. 



Alors ok, venez dire que je suis un le dernier des imbéciles qui n’y comprend rien, un prétentieux inculte pour qui l’art contemporain qu’on nous sert à Bruxelles est trop subtil à analyser. Aucun souci, venez. Mais alors, j’attends impatiemment vos explications et vos analyses (mais ces galeries croient-elles sincèrement à leurs propres discours?) , pas l’enfumage bourgeois que vous sortez à un public mal à l’aise de passer pour plus bête qu’il n’est face aux abysses créatifs que ces galeries osent leur servir.



Venez, expliquez-moi à côté de quoi je passe, et si vous arrivez à convaincre même une personne aussi ouverte sur l’art que moi, alors j’admettrai bien volontiers que je suis le dernier des imbéciles. 



samedi 26 mars 2016

De l’art d’être au mauvais endroit au bon moment : coulisses de la collecte médiatique

English version

L’objectif de cette publication est de vous éclairer sur ce qui se passe en arrière-plan lors d’évènements affreux tels que ceux qui se sont produits mardi dernier à Bruxelles. Il n’est pas question d’incriminer qui que ce soit, ni de critiquer des journalistes ou autres corps de métier.

L’idée n’est pas non plus de revenir sur mon expérience personnelle face aux événements ou de décrire encore ce à quoi j’ai assisté, mais bien de rendre compte de ce qui se passe derrière le traitement de ces photos et vidéos que l’on voit quotidiennement dans les médias, sous forme d’une timeline illustrée.

7h59

• 7h59 : une première explosion à 20 mètres de moi, à droite. Tout le monde comprend immédiatement, les gens fuient instinctivement. Mon téléphone en main, j’essaye d’activer l’appareil photo. 3 secondes plus tard, une autre explosion, à ma gauche cette fois. Une seconde après, je suis en train de filmer ce qui se passe, pendant 27 secondes, le temps de sortir du terminal. Des gens marchent, complètement hébétés, je fais des gestes de la main leur faisant comprendre qu’il faut se dépêcher de sortir.

• 8h00 : j’envoie un sms à 3 membres de ma famille, puis je tweete.


• 8h20 : premiers coups de fils des rédactions. La Première (RTBF), Vivacité (RTBF), L’Express, ABC News, ABC Australia, France Info, France 24, BBC… Toutes me posent les mêmes questions (parfois avec très peu d’élégance) et me font intervenir en direct. A ce moment précis, je réalise que les journalistes ne disposent en fait d’absolument aucune autre information que celles que je leur donne.

• 8h42 : mon téléphone devient dingue, je poste sur Facebook :



• Entre 8h45 et 10h00 je continue les tweets et les entretiens téléphoniques : CNN, The Guardian, CBC… De l’Australie à la Chine, du Brésil au Danemark, par centaines je reçois des emails, messages privés Twitter, et même Facebook et WhatsApp. Une situation absolument ingérable. Plus de 10.000 notifications sur mon téléphone en une heure, avec ça, des illuminés du Djihad, des petits fascistes détournant des infos, des faux journalistes, des trolls et puis surtout… des demandes teintées de jargon juridique.

Au milieu de tout ça, j’essaye de joindre ma sœur par téléphone, mais le réseau est « saturé », impossible de téléphoner à un numéro belge. Par contre, les médias étrangers arrivent eux à me contacter par téléphone sans aucun problème.

• J’autorise les médias à utiliser les images, à l’exception de BFMTV et TF1. Parce que faut quand même pas déconner.




• 10h13 : je poste quelques screenshots de la vidéo que j’ai prise plus tôt, gros craquage de slip d’une journaliste de BFMTV qui me contacte en se faisant passer pour une journaliste de CNN. Même si beaucoup ont été très professionnels, un grand nombre de journalistes se montrent particulièrement agacés de ne pas avoir pu me parler plus tôt et ce « malgré nos multiples demandes ».

J’arrête de décrocher mon téléphone et ne répond plus que très brièvement aux demandes reçues sur Twitter, et ce pendant les heures qui suivent.

• J’arrive chez moi vers 13h30, la ligne fixe sonne non-stop, la mémoire du répondeur est saturée. J’apprends que des « gens » ont contacté des clients à moi dans l’espoir d’avoir mon numéro de gsm, en s’adressant avec insistance à des collègues et amies complètement terrorisées.

Je croule sous les demandes d’interview vidéo, BBC propose de venir chez moi « immédiatement », CNN me demande de venir à la Bourse dans leur « studio portable ». Demandes que je refuse, les gens n’ont pas besoin de voir ma gueule. Ils veulent être informés et rassurés.



"You want a piece of me, I want a piece of you" - Sluts of Trust - "Piece O' You" - 2003

• 14h10 : je poste sur Vine 6 secondes de la vidéo prise le matin.



• 14h11 : CNN me contacte à nouveau.


On me demande d’intervenir en direct, et on me propose de vendre du contenu que je n’aurais pas encore diffusé, ou une licence exclusive internationale contre rémunération. Même si les personnes que j’ai eues en ligne se sont montrées très élégantes malgré la situation, c’est passablement agacé et après avoir demandé conseil à des amis, que je cède, à 14h30, et accepte une offre sans négocier ($1500), en soulignant que cet argent servira aux victimes, et précise que les médias belges sont autorisés à diffuser là vidéo. Ca reste mon pays, bordel.

• J’envoie la vidéo en basse définition par email et la haute définition via WeTransfer. Celle-ci apparaît quasiment instantanément à l’écran avec la mention « Eyewitness / David Crunelle ». Quelques coups de fils plus tard, je reçois un email du « Director of Third Party Content ».


• Je réponds à l’email 20 minutes plus tard. Dès 15h, CNN passe la vidéo en boucle, mais a ajouté « CNN Exclusive » devant mon nom. Dès cet instant, plus aucun autre média ne peut diffuser la vidéo.

• 16h57 : je demande qu’on ne me contacte plus pour des interviews ou autres propositions. J’ai le cerveau complètement farci, je réalise à ce moment que je n’ai rien mangé depuis la veille, ni bu quoi que ce soit d’autre que mon café à 6h du matin.



• 17h02 : malgré ma demande, le téléphone continue de chauffer sans arrêt, les emails/messages/tweets continuent d’affluer. Parmi ceux-ci, une société privée irlandaise (qui avait notamment téléphoné à mes clients) se montre d’une insistance hallucinante. Elle a vu le post Vine, et a déjà préparé son offre à 14h40…



Cette société me propose donc de jouer le rôle d’intermédiaire afin de négocier au mieux les montants que je pourrais tirer de ces 6 secondes de vidéo. Je crois rêver. Il me suffirait de cliquer sur un lien et de remplir un formulaire déjà partiellement complété. Après toutes les saloperies que j’ai pu voir ce mardi matin, celle-là a quand même le mérite d’avoir pignon sur rue…

Ne recevant pas de réponse rapidement de ma part, le manager de cette boîte finit par m’appeler, visiblement désespéré de ne pas m’avoir eu plus tôt. Il me ressort son bullshit juridico-commercial concernant ces 6 secondes de vidéo. Je lui apprends que cette vidéo a été vendue avec droits exclusifs à CNN et que je ne cherche pas à me faire d’argent avec ces 30 secondes de vidéo. Pétage de plomb à l’accent irlandais : la vidéo est 5 fois plus longue que ce qu’il pensait. Il me demande – avec insistance – de lui envoyer l’agreement passé avec CNN afin de « voir avec son staff juridique comment contourner les limitations de l’accord ». Je lui dis clairement que ça me fait vomir et lui demande de me foutre la paix. Demande insistante qui ne l’empêchera pas de me renvoyer encore quelques emails afin de savoir si je n’avais pas changé d’avis.

• Décalage horaire oblige, les médias américains et canadiens continuent de me contacter. Mais cette fois sur mon gsm, dont le numéro n’est pourtant pas disponible sur internet. J’apprendrais seulement peu avant 21h que mon numéro a été distribué à une série de journalistes canadiens par un directeur de l’information d’une chaîne belge.

• 00h20 : dernier coup de fil d’une agence de presse anglaise avant que je ne coupe mon gsm, et tente de dormir quelques heures.

Debout à 4h du matin, je commence à m’informer plus précisément sur l’explosion dans le métro, communique beaucoup avec des amis à l’étranger, essaye tout doucement de remettre toutes mes frites dans le bon paquet.

Les demandes d’interviews reprendront ce jour là dès 8h du matin, cette fois d’un ton plus posé, plus humain. Je passerai le reste de la journée entre batailles administratives, coups de fils avec des proches, et puis beaucoup, beaucoup de temps à écouter les gens autour de moi.

Bac+1


De cette journée affreuse, j’aurai appris énormément. Sur la nature humaine, sur l’organisation logistique dans une telle catastrophe, sur les flics, sur les coulisses médiatiques, sur les trolls Twitter, sur mes amis, sur moi-même.

Cela aura aussi été un excellent/redoutable media training pour moi, qui m’aura sans doute permis de ne pas devenir complètement dingue après ce à quoi j’ai assisté.



Balançons du cliché

Même si j’en ai franchement envie, je ne vais pas citer nommément les intervenants avec qui j’aurais interagi ce début de semaine. Il y en a eu des bons (professionnels, empathiques, fiables), et de très mauvais (crétins, guignols, foireux,… Désolé je ne trouve pas d’adjectifs plus adéquats).
Je tiens quand même à souligner la délicatesse de certain(es) journalistes, tant dans leurs méthodes que dans le traitement de l’information que j’ai pu leur apporter. Au final, c’est bien ça qui est important.

Faites ce que vous voulez avec les quelques remarques qui vont suivre, elles n’ont rien de scientifiques et ne se rapportent qu’à mon sentiment personnel : la majorité des médias français se sont montrés très professionnels (je souligne l’Express notamment), les Canadiens ont tous été au-dessus du lot (mention spéciale à l'équipe de Radio Canada), les Anglais et Australiens furent très empathiques et professionnels, les Américains ont été très…américains, avec ce qu’ils ont de bon et de moins bon.
Je préfère m’abstenir de commenter la qualité des médias belges avec qui j’ai traité.

Enfin, pour celles et ceux qui se posent la question sur les raisons de ma démarche lors de ces évènements, je ne peux que les inviter à écouter cet entretien

Carpe diem, les gars.


jeudi 10 décembre 2015

Comment être un vieux con la semaine d'un nouveau Star Wars

Plus qu'une semaine avant la sortie du premier épisode de la nouvelle trilogie Star Wars. Un engouement mondial qui est l'occasion de revenir sur l'engouement mondial d'il y a 15 ans, pour la sortie de la Menace Fantôme, et de voir à quel point ce film (pas bien terrible, il faut l'admettre) a changé radicalement votre mode de vie. Si, si. 

Retour vers le futur
Dans une galaxie très lointaine, un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas comprendre. 1999, plus précisément. A cette époque lointaine, on était sous Windows 95 ou 98, internet rentrait timidement dans les foyers belges, les parcs informatiques se développaient enfin, les premiers iMac débarquaient sans lecteurs de disquette, etc.
Les plus nostalgiques se souviendront d'autres éléments clés de l'internet de l'époque comme ICQ, Infonie, et Wanadoo, du bruit d'un modem se connectant à votre ligne téléphonique, des chat-rooms, et d'une bonne recherche sur Altavista. Yahoo était encore très cool.
Les plus geeks-nostalgiques par contre se remémoreront les warez, les cracks sur Astalavista, et les cargaisons de cd-r Verbatim qu'ils achetaient pour graver en vitesse 2x la musique de groupes et artistes vendant encore des millions de copies chaque année. 

Personne ne connaissait vraiment Google, qui était encore en version beta. 

Et quel rapport avec l'ancien nouveau Star Wars dans tout ça? Le film était tellement attendu que certains Belges n'ont pas hésité à traverser l'Atlantique pour aller visionner le film avant sa sortie européenne. L'évènement cinématographique de l'année allait faire renaître une curieuse habitude relativement courante dans certains cinémas new yorkais des années 80 : les screeners, ces types louches qui entraient dans une salle obscure avec une caméra afin d'y filmer le film et revendre sous le manteau des crasseuses copies Betamax et VHS à $3. 




La Menace Fantôme du Piratage 2.0 
Voilà qu'un screener assiste au nouveau Star Wars, et arrive à en filmer d'une qualité convenable au point que des copies - sur 2 cd-r, 700Mo oblige, les DVD-r c'était encore de la science fiction - commençaient à circuler rapidement. Un "rapidement" très relatif car la science fiction de l'époque, c'était aussi transférer des centaines de mégas octets via Internet. Les screeners du nouveau Star Wars se distribuaient de la main à la main, pas via un software de file sharing. N'oublions pas que 1999, Napster venait seulement de voir le jour, et échanger des volumineux fichiers mp3 de 5Mo n'était déjà pas en soit une sinécure. 

Philips, Sony, Teac et compagnie arrivaient enfin à commercialiser des graveurs cd-r abordables : 500€ (20.000BEF), même des students pouvaient en rêver! Et ces students correspondaient justement au nouveau public visé par ce nouveau Star Wars, car les nostalgiques de la première trilogie ne suffiraient - déjà - pas à rentabiliser la superproduction de Georges Lucas. Mais rappelons tout de même que les marketeurs/créatifekes de l'époque ont méchamment foiré leur cible. Entre un Jar Jar Binks rasta-con et un Darth Maul sensé être plus cool que Darth Vador, le public rajeunis ne se sera pas fait avoir par ces nouveaux guignols.


Wachowskis, ça vous dit quoi encore?
L'autre caractéristique de ce public rajeunis est son intérêt grandissant pour les nouvelles technologies de l'époque. Bien avant les smartphones, l'ADLSL abordable et le streaming, le futur le plus fascinant était illustré dans une autre trilogie, celle qui débuta par la véritable sensation visuelle au succès écrasant tout sur son passage : The Matrix




Il faut dire que le film de l'époque avait quelques éléments clés bien plus parlant à cette nouvelle génération : de l'underground, de la manipulation politique, de la réalité virtuelle, des hackers qui prennent le contrôle, des héros avec des nicknames. La Force se prenait une méchante claque dans la gueule par un finfrelet renfermé s'échappant de sa prison corporate, et devenant grâce à l'informatique un badass ninja déclarant la guerre à des méchants au look conformiste. 




OK, Star Wars, on a compris, mais on voulait voir Matrix. On voulait être Neo, pas Anakin Skywalker. On voulait en prendre plein la vue d'effets spéciaux nouveaux, pas plein les oreilles de ce vieux John Williams.
La demande créant l'offre, sous le manteau et surtout dans les cartables, on trouvait donc rapidement des cd-r de Matrix. Pas de fichiers avi à lire avec VLC à cette époque. C'était 2 fichiers mpeg à lire avec Windows Media Player. Et là, les moins de 20 ans découvrent que Windows a eu un jour un media player...



700Mo et pas plus
Les fans de musique avaient Napster, une bibliothèque magistrale facilement accessible, à lire avec Winamp. Les fans de cinéma avaient toujours un internet autant à la ramasse. Il était donc nécessaire de réduire la taille des fichiers video, en développant des formats compressés de qualité (avi donc, les fameux 'divx', terme que plus personne n'utilise aujourd'hui). Et la plupart de ces fichiers videos faisaient entre 650 et 700Mo, taille maximale du format cd-r. Ca reste pénible à partager quand la moyenne de transfert de l'époque atteint les 20ko/sec pour les plus chanceux. Evidemment en Belgique, nous étions à la préhistoire par rapport aux campus américains ou scandinaves, dont les vitesses de connexion poussent des jeunes développeurs à créer des software de partage de masse tel que audiogalaxy, soulseek, mais aussi eMule, qui fût un temps appelé Morpheus, comme le mentor d'un certain Neo, l'élu dans Matrix.

Rapidement tout augmente. La qualité des divx, la vitesse de download, la quantité de films piratés, le spam, les gens avec internet à la maison, et les lois qui sont sensée réguler tout ça. 



15 ans plus tard
15 années sont passées, nous avons les réseaux sociaux, le streaming 4K, des catalogues Netflix, Hubu et compagnie, 100Mo/seconde à la maison, un mini ordinateur constamment connecté dans notre poche. Et surtout très bientôt, un nouveau Star Wars.

Il est fort probable que ce nouvel épisode de la saga se retrouve sur vos ordinateurs avant même sa sortie en salle, ou du moins peu de temps après. En version pirate, bien entendu. A peine quitté les salles il sera ensuite disponible sur des plateformes médias à la demande pour à peine moins cher qu'un ticket d'entrée au Kinepolis.

Le business modèle a bien changé en 15 ans, et peu importe  si "The Force Awaken" ne bat pas un record d'entrées la semaine de sa sortie (mondiale, cette fois-ci) en salle. Le break even de production du film sera atteint bien avant de récupérer les montants astronomiques investis dans la promotion de ce nouvel opus. Raison pour laquelle, bien plus qu'en 1999, les produits dérivés tous plus débiles les uns que les autres envahissent les étals.

Alors ok, félicitons nous d'avoir en 2015 accès chez nous, sur nos tablettes et compagnie, à du contenu multimédia haute qualité à un coup d'abonnement mensuel valant à peine 2 entrées de cinéma.

Et puis en même temps plaignons nous de cette société de l'immédiateté et du consumérisme à outrance.

Bref, bouffons la pilule bleue, suivons le lapin blanc, devenons Neo et renversons la Matrice. Ainsi, nous aurons droit aux épisodes de la prochaine saison de Game Of Thrones traduits avec les pieds, et en HD 4K de préférence.