dimanche 24 avril 2016

Quand les galeries d’art sortent leurs poubelles à Bruxelles


Cette fois, la coupe est pleine. Ce weekend, ce fut l’overdose. À Bruxelles, elles ne font même plus semblant, les galeries d’art, du moins certaines, voire de la majorité d’entre elles.
Cessons cette mascarade, et secouons-les : (re)faites votre boulot convenablement. Et c’est quoi votre boulot, d’ailleurs ? Découvrir, exposer, faire découvrir, et vendre. Dans cet ordre, et il n’y a aucun mal à cela, c’est un business comme un autre. Sauf quand on se fout ouvertement de notre gueule, comme cela devient de plus en plus la norme à Bruxelles. 

Et il y en a marre.




Plutôt que de porter un jugement purement/bêtement subjectif, je tiens à préciser que je fréquente assidument tous les musées et galeries d’art des nombreuses villes où je passe, et ce depuis deux décennies. Je considère être très ouvert d’esprit en ce qui concerne l’art contemporain, j’ai la prétention d’avoir un background culturel me permettant de comprendre ce à quoi j’ai affaire la plupart du temps, et je serai toujours le premier à défendre le suprématisme auprès de ceux qui n’y verraient qu’une grosse blague. Tant qu’à en rajouter une couche, je pourrais même prétendre avoir un œil éclairé, averti, voire expert dans le domaine. 




Je m’estime donc en droit de donner ouvertement mon avis : Bruxelles n’accueille plus que les poubelles des galeries d’art.
Déjà estomaqué par certaines récentes résidences du Wiels (tout de même censé être un benchmark de l’art contemporain à Bruxelles), depuis des mois je collectionne les déceptions visuelles au point de me demander si cela vaut encore la peine d’essayer. Et pourtant, la quantité d’expositions, de galeries et de foires ne cesse d’augmenter, de manière absurde ! Est-ce pour autant une bonne chose ?



Berlineke
« Bruxelles, le nouveau Berlin ». Le plein mort qui a osé sortir une telle imbécillité a probablement été briefé par une agence RP afin de calibrer sa brosse à reluire sur les investissements financiers à y réaliser avant le piétonnier et les récents attentats. Pourtant, les galeries d’art se multiplient à Bruxelles depuis 3 ans, et ce dans deux quartiers très spécifiques (haut de Saint-Gilles et quartier Abbaye/Bascule). Ces enseignes renommées à Paris ou New York y vont chacune de leur succursale bruxelloise. Nouveau Berlin vous dites ? C’est sans doute oublier les raisons fiscales qui permettent à ces mêmes galeries de facturer leurs clients américains, chinois, russes ou des émirats sans tva, avec des dénominations de factures aussi nébuleuses que le talent des jeunes artistes exposées dans ces fameuses succursales bruxelloises...



Malgré les efforts de certaines galeries, désireuses de montrer un travail intéressant, toutes les bonnes initiatives se voient phagocytées par des « foires » qui ne porteront jamais aussi bien leur nom ; foires dans lesquelles des galeries au nom parfois prestigieux viennent péniblement nous infliger les dernières fumisteries de « jeunes talents ».

Un avis de frustré ?
Jugez plutôt par vous-même. Pas de noms d'artistes, pas de noms de galeries. Car si vous avez besoin d'un background ou d'un cv, c'est que vous non plus n'avez alors rien compris au(x) talent(s) caché(s) derrière ces fulgurances artistiques contemporaines. 




Voilà comment ces galeries parfois très renommées viennent tuer dans l’œuf des initiatives telles que celle de l’Independent, située rue de l’Ecuyer, qui ouvre ses portes ce mois d’avril, avec un accès gratuit.
Commissionné par une agence RP pour faire du push sur Instagram, j’ai visité les lieux ce vendredi. Voilà que sur 5 étages, des tonnes de fumisteries plus misérables les unes que les autres s’étalent dans une aisance fainéante, sans mise en scène ou explication. Le bon et le pas mal sont noyés dans une marrasse nauséabonde empestant la blague à la technique absente. J’ai bien essayé de parler un peu de contenu avec quelques exposants, mais rien de bien malin n’en est sorti. Particulièrement sidéré par quelques « œuvres » exposées, j’ai tenté d’en savoir plus sur le fond, l’histoire, le contenu, le message. Là encore, rien. On se contente de placer « c’est un(e) artiste qui vit/travaille/a travaillé/a vécu à New York ». Un peu faible quand même que pour valoriser un travail artistique. Ce n’est pas parce que ça vient de New York que c’est bon, et que ça mérite une place dans le nouveau Berlin, hein.



A 200 mètres de l’Independent, sur la place de la Monnaie, Marie Skeie, artiste norvégienne, montait une installation temporaire : une carte géante de l’Europe faite avec des pièces de 20 centimes. L’œuvre allait ensuite rester sur place afin d’interagir avec le public, et voir comment les passants allaient se comporter, notamment « avec les frontières ». 



Ludique, participatif (les passants pouvaient placer des pièces sur la carte), interactif, contenant un message, apportant une réflexion. Voilà une mission artistique qui, selon moi, remplit son objectif. Cette installation temporaire est le seul espace ayant, à ce jour, été alloué à cette artiste de 35 ans. Et encore, grâce au service culture de la Ville de Bruxelles. Bravo, les galeristes… 



« Il n'y comprend rien » VS « Nous seuls avons compris»

Prenons un peu moins de hauteur et appelons un chat un chat : les galeries d’art exposent trop de merdes. Voilà mon beau plaidoyer réduit à néant en termes de crédibilité car j’aurais osé assimiler certains nouveaux génies de l’« art contemporain » et « merde ». Mais le terme si grossier aux yeux des galeristes est à considérer dans son sens second : « chose sans valeur ». Car à partir du moment où un artiste, s’il est défini comme tel, notamment par une galerie, produit une chose qui n’exprime rien, qui n’apporte rien, qui ne crée aucune émotion ni ne dégage aucun message, il s’agit alors bel et bien d’une chose sans valeur. Et cela déteint malheureusement sur les œuvres de qualité, ou les galeries qui font correctement leur boulot, sans arnaque, sans fumisterie, sans prétention. 



Alors ok, venez dire que je suis un le dernier des imbéciles qui n’y comprend rien, un prétentieux inculte pour qui l’art contemporain qu’on nous sert à Bruxelles est trop subtil à analyser. Aucun souci, venez. Mais alors, j’attends impatiemment vos explications et vos analyses (mais ces galeries croient-elles sincèrement à leurs propres discours?) , pas l’enfumage bourgeois que vous sortez à un public mal à l’aise de passer pour plus bête qu’il n’est face aux abysses créatifs que ces galeries osent leur servir.



Venez, expliquez-moi à côté de quoi je passe, et si vous arrivez à convaincre même une personne aussi ouverte sur l’art que moi, alors j’admettrai bien volontiers que je suis le dernier des imbéciles.