Texte : Albin Wantier
Invasions sauvages, hordes de migrants, afflux ingérable pour la Belgique, menace pour notre sacro-sainte civilisation… Ces derniers jours, j’ai lu tout et n’importe quoi sur la question de l’accueil des réfugiés qui viennent frapper à notre porte. Pour en avoir le cœur net, accompagné de David Crunelle, nous sommes allés voir de nos propres yeux la situation de ces demandeurs d’asile qui se massent devant l’Office des Etrangers à Bruxelles. But de la démarche : prendre le temps de rencontrer les gens, écouter les histoires qu’ils veulent bien nous raconter, saisir la réalité du terrain et la restituer telle que nous l’avons vécue.
Invasions sauvages, hordes de migrants, afflux ingérable pour la Belgique, menace pour notre sacro-sainte civilisation… Ces derniers jours, j’ai lu tout et n’importe quoi sur la question de l’accueil des réfugiés qui viennent frapper à notre porte. Pour en avoir le cœur net, accompagné de David Crunelle, nous sommes allés voir de nos propres yeux la situation de ces demandeurs d’asile qui se massent devant l’Office des Etrangers à Bruxelles. But de la démarche : prendre le temps de rencontrer les gens, écouter les histoires qu’ils veulent bien nous raconter, saisir la réalité du terrain et la restituer telle que nous l’avons vécue.
Vendredi 3
septembre, 10h30. En parcourant les larges avenues du quartier très
« corporate » de la gare du Nord, à l’ombre des
immenses tours de bureaux, difficile d’imaginer qu’à quelques
mètres de là se jouent des scènes qu’on n'aurait jamais crues possibles sur le sol belge : des centaines de candidats
réfugiés, amassés dans des tentes montées en catastrophe grâce à
l’aide de bénévoles, au milieu d’un Parc Maximilien dont on
n’aura finalement jamais autant parlé.
Le contraste est
saisissant. Dans le parc, par 12 ou 13 degrés, les réfugiés font
la file les pieds dans la boue, à la recherche d’un manteau ou
d’une paire de chaussures étanches. Les bénévoles sont nombreux.
Ils réceptionnent les dons, trient, stockent et distribuent.
D’autres montent des tentes, s’improvisent traducteurs ou
cuisiniers. Le port des gants est de rigueur. La rumeur s’est vite
répandue : des cas de gale auraient déjà été détectés.
C’est qu’avant la mobilisation massive pour structurer ce camp,
les candidats réfugiés étaient abandonnés à leur propre sort :
ils dormaient à même le trottoir devant l’Office des Etrangers.
Sans toilettes, il fallait bien faire ses besoins quelque part. Donc
dans le parc… Sans intervention urgente, la situation déjà
difficilement soutenable de ces demandeurs d’asile pourrait
rapidement dégénérer en crise sanitaire et humanitaire. Les rats
ne tarderont pas à rappliquer, les épidémies risquent de se
régaler sur ces corps affaiblis par un voyage qui a souvent duré
plusieurs semaines, dans des conditions qu’on trouverait déjà
intolérables pour du bétail.
En regardant droit
devant soi, on se croirait plongé dans ces camps du Liban ou de
Syrie. En levant la tête, la réalité vous frappe en plein visage.
D’un côté le siège d’Electrabel, tour vitrée dans laquelle se
reflètent les arbres du parc. De l’autre, la Tour Upsite censée
incarner le renouveau du quartier du Canal, « déjà disponible
à partir de 325.000 euros hors TVA pour un appartement une
chambre ». Cette catastrophe humanitaire en devenir se déroule
bel et bien au cœur de la capitale de l’Europe, en 2015, entre son
quartier d’affaires et celui en pleine phase de gentrification. Les
images sont dures lorsqu’elles viennent d’Irak. Sont-elles plus
percutantes lorsqu’on les observe du 30e
étage ? Une chambre avec vue sur la guerre, ça vaut combien ?
Chambre avec vue sur
la guerre
Face à l’overdose
de vérités et contre-vérités sur les réfugiés, nous voulons
comprendre qui ils sont, d’où ils viennent, ce qu’ils ont
enduré, ce qu’ils cherchent, comment se passe réellement un tel
périple. Nous voulons des histoires, pas des images choc. Nous
repérons des journalistes avides de sensationnalisme. L’un demande
à un réfugié de lever sa chemise pour pouvoir filmer les
cicatrices laissées par le voyage. Pas de ça pour nous.
Les premiers
contacts sont assez distants. On commence avec un Mauritanien qui
nous explique qu’il a eu plus de chance que les autres : il
détient le fameux ticket qui lui permettra d’être reçu dès
lundi à l’Office des Etrangers. Son dossier pourra être
rapidement examiné, pense-t-il. Mais dès que nous proposons de le
prendre en photo, il hésite, bien que toujours souriant. « Désolé
les gars, mais j’ai appris à me méfier de tout le monde. »
Nous marchons à
peine un mètre et déjà deux réfugiés irakiens acceptent de nous
répondre. Haïder a 37 ans. Il est marié et a 5 enfants. Il a fui
son pays lorsque sa maison a été rasée dans un bombardement.
Jusqu’alors, il travaillait depuis 14 ans dans une petite
société d’aménagement intérieur. Le village est maintenant en
ruine, il faudra tout reconstruire avant qu’il puisse retrouver du
travail.
Une traversée trop
dangereuse pour la famille
La famille d’Haïder
est restée au pays : « Ma
femme et mes enfants vivent actuellement avec mes parents. La
situation sur place est très difficile. Nous subissons chaque jour
les intimidations et les humiliations. Dans ce régime de la terreur,
impossible de retrouver un travail sans devoir collaborer avec ceux
qui nous humilient (NDA : et qu’il
évite soigneusement de citer nommément). On
veut donc venir en Europe pour travailler dans des conditions de
respect de nos droits humains. Mais faire le voyage avec la famille,
c’est beaucoup trop dangereux. Mon but, c’est d’obtenir des
papiers ici, apprendre la langue et travailler. Je pourrai alors
envoyer de l’argent à ma famille pour les aider. »
A ses côtés,
Yassin, lui aussi 37 ans, confirme les dangers du voyage entre l’Irak
et la Belgique. « Il m’a fallu 4
semaines pour arriver ici, entre les bateaux, les trajets à
l’arrière de fourgons fermés et les traversées à pied. »
Yassin est le premier à nous parler
d’argent. Environ 3.000 euros pour traverser la Mer Egée entre la
Turquie et la Grèce. A ce tarif, on comprend mieux aussi pourquoi
ces hommes sont venus seuls.
La misère du
monde ?
Le prix du voyage
balaie également l’argument de ceux qui s’étonnent de voir ces
« soi disant pauvres réfugiés » l’oreille collée à
un iPhone ou déambulant dans une paire de Nike. Les Irakiens les plus pauvres sont restés là-bas, ils crèvent sous les bombes. Les réfugiés,
c’est la classe moyenne, ceux qui ont ou avaient un job, ont suivi
des études et ont les moyens de débourser de telles sommes. Leur
téléphone portable, c’est leur seul moyen de donner des nouvelles
à la famille, mais aussi de s’informer sur les combines pour
traverser une frontière. Dès qu’on a compris ça, on est
moins étonné de rencontrer des candidats réfugiés qui nous
demandent si on peut leur envoyer leurs portraits via Facebook, Viber
ou Whatsapp. Le Belge moyen avait peut-être loupé l’épisode du
développement économique qui ne s’est pas arrêté à nos
frontières. Il s’attendait sans doute à les voir arriver à dos
de chameau, en guenilles, c’est raté. « Accepter toute la
misère du monde » comme on l’entend souvent ? Mais de
quelle misère parle-t-on au juste ?
Plus loin, d’autres Irakiens nous rejoignent, la conversation s’anime. A la méfiance des débuts succède désormais le besoin de partager l’histoire. « Tu dois raconter comment on arrive ici, tu dois leur dire qui sont ces gens qui nous entassent dans des bateaux pourris. » Toujours en Arabe, les discours deviennent plus longs, plus chargés en émotion aussi. La voix est plus tranchante, le regard plus décidé. La traductrice blêmit, leur demande de répéter plusieurs fois pour être sûre d’avoir bien compris. Elle nous explique : ceux-là ne veulent pas de photos, ne veulent pas être cités nommément, ne veulent pas qu’on puisse les reconnaître. Pourquoi ? Parce qu’avec ce qu’ils nous racontent, ils craignent les représailles. Les passeurs sont une mafia, un réseau. Ils craignent de recroiser la route de certains d’entre eux, même ici en Belgique.
Ils déballent tout,
on relate. Anonymement, mot pour mot :
Sauvés par des
pêcheurs
« Pour passer
de Turquie en Grèce, c’est a priori très simple. Il ne faut même
pas chercher les passeurs, ils viennent à nous, mais on ne les
rencontre jamais personnellement. Des intermédiaires repèrent les
candidats à la traversée, proposent un deal à l’un de nous et le
bouche-à-oreille fait le reste. C’est un vrai business. On a donc
embarqué de nuit et on est parti. Malheureusement, le bateau était
en surcharge et il a commencé à prendre l’eau. Il y avait des
enfants avec nous, ils hurlaient. Nous étions tous pris au
piège, en pleine mer, dans un bateau en train de couler en pleine
nuit, sans lumière. C’est un souvenir que je n’oublierai jamais.
Heureusement, un bateau de pêcheurs nous a repérés et ils nous ont
ramenés sains et saufs sur la côte grecque. Sans eux, nous nous
serions tous noyés. C’était une expérience traumatisante. »
Coulés par des
hommes masqués
« Nous, on a
attendu deux semaines en Turquie avant de trouver un bateau.
Finalement, on a pu trouver un deal. Il y avait 40 personnes dans
notre groupe, nous avons payé 1600 euros par personne pour une
traversée de nuit. Nous sommes venus au rendez-vous en bord de mer,
mais personne ne s’est jamais présenté. Nous n’avons jamais
retrouvé l’homme qui s’est envolé dans la nature avec notre
argent. Il a empoché 1600 euros de quarante personnes, une vraie
fortune. La même nuit, une autre personne – sans doute un complice
– a proposé de nous faire traverser. Nous avons dû lui verser
chacun 1200 euros. Il nous a aussi arnaqués : il avait promis
de vrais bateaux, mais il est arrivé avec deux Zodiacs qui ont
chacun embarqué 20 personnes. On est parti à 1 heure du matin, les
deux Zodiacs se suivaient. En pleine mer, on a croisé un bateau. Les
membres d’équipage étaient masqués. Ils ont percé la toile du
Zodiac qui nous suivait et l’ont coulé. Nous étions sur le
premier Zodiac, nous avons pu nous échapper. A 6 heures du matin,
nous avons atteint les côtes grecques. Mais nous n’avons plus
jamais eu de nouvelles de gens qui se trouvaient à bord du second
Zodiac. Les rumeurs disent que ceux qui coulent les bateaux de
réfugiés sont payés par la Grèce. C’est ce qui se dit parmi les
réfugiés en tout cas. (NDA : plusieurs sites ont relaté des récits similaires, qui à ce stade n’ont jamais pu
être vérifiés formellement). Quant à l’homme qui nous a volé
notre argent avant la première tentative de traversée, il parlait
Allemand. »
Changer de fourgon
toutes les 4 heures
Nos interlocuteurs irakiens
racontent tous avoir été emprisonnés pendant une semaine à leur
arrivée en Grèce. Le temps semble-t-il de relever leurs empreintes
digitales et de vérifier qu’ils ne faisaient l’objet d’aucun
signalement, avant de les relâcher dans la nature. Ensuite, même
scénario qu’en Turquie : des « intermédiaires »
s’immiscent parmi les réfugiés et proposent de rallier l’Europe
du Nord en camionnette.
« Il
s’agissait plutôt de fourgons fermés, sans fenêtre et sans
lumière, dans lesquels nous étions massés. Nous n’avions aucune
idée de la destination. Toutes les quatre heures environ, le fourgon
s’arrêtait et nous étions forcés de descendre sans savoir où
nous nous trouvions. Il fallait alors attendre qu’un autre fourgon
se présente, pour une autre étape de quatre heures. Et ainsi de
suite. Il fallait parfois parcourir de longues distances à pied pour
rallier un autre lieu de rendez-vous où nous attendait un chauffeur.
Je sais que nous avons traversé la Macédoine, la Hongrie et
l’Autriche. Au bout de 7 jours de voyage, le dernier fourgon s’est
arrêté ici et nous a tous débarqués juste en face de l’Office
des Etrangers. Nous n’avions pas la moindre idée de l’endroit où
nous nous trouvions. Nous avons alors constaté que notre voyage
s’était arrêté en Belgique, mais ce n’était pas un choix
délibéré. Pour moi, peu importe où j’atterrissais. Je voulais
juste trouver un pays qui respecte mes droits. Me voilà donc ici et
j’attends maintenant de pouvoir introduire une demande officielle
pour obtenir des papiers. »
Débarqués juste
devant l’Office des Etrangers
Le récit est
étonnant. Plusieurs de ces interlocuteurs nous ont confirmé avoir
également été débarqués directement devant l’Office des
Etrangers par leur passeur. Impossible de vérifier la véracité de
propos qui pourtant interpellent. Nous poursuivons l’entretien et
l’un de nos interlocuteurs nous interrompt : il pointe du
doigt un fourgon noir, immatriculé en Belgique, qui ralentit à
hauteur de l’Office des Etrangers. « C’est ce genre de
camionnette ! » s’écrie-t-il. Le regard du chauffeur
croise le nôtre, il accélère et passe son chemin. Passeur ou pas ?
Impossible de le savoir.
Après avoir raconté
cette histoire à Julien, l’un des coordinateurs de la plateforme
de bénévoles active sur le terrain, celui-ci semblait tout aussi
surpris que nous. Il tempère toutefois : « Si c’est
vrai, c’est gravissime. Par contre, tous les réfugiés irakiens
présents dans le Parc Maximilien ne sont pas arrivés ici par
hasard. Ils sont nombreux à avoir choisi délibérément la
Belgique. Ils pensent que c’est ici qu’ils ont le plus chance
d’obtenir des papiers. Manifestement, ils n’ont pas été très
bien informés. »
Parfaits bilingues
Nos entretiens se
poursuivent dans le camp. Un jeune Afghan se présente spontanément…
dans un néerlandais qui ferait pâlir de nombreux ministres
francophones. Abdul Razaq a 23 ans. Il a quitté l’Afghanistan en
2012, après le massacre de sa famille. Le trajet jusqu’ici lui a
coûté 4000 euros. Il a transité par l’Iran, la Turquie, la
Grèce, l’Italie, la France et la Belgique. « A part les
traversées entre la Turquie et la Grèce, puis entre la Grèce et
l’Italie, je me suis débrouillé sans passeur »
insiste-t-il.
Voilà trois ans
qu’Abdul Razaq est en Belgique, dans l’attente d’une
régularisation. Il s’est joint au mouvement des réfugiés du Parc
Maximilien : « Depuis trois ans, je dors dans les parcs,
les gares, les églises. Quand j’ai 2 euros, je vais prendre une
douche à la piscine. J’ai appris le néerlandais. Je n’attends
qu’une chose : obtenir des papiers. Je pourrai alors
travailler ici. Je n’ai aucune envie de rentrer en Afghanistan. Ma
vie est ici maintenant. »
Un autre groupe de
jeunes Afghans s’invite dans la discussion… en français, cette
fois ! Le plus âgé a 21 ans. Les autres entre 15 et 17 ans.
Tareq, 17 ans, est arrivé il y a plusieurs mois. Comme ses
camarades, il réside au « Petit Château », l’un des
centres d’accueil de Fedasil à Bruxelles. Lui a quitté
l’Afghanistan avec sa famille. Mais ces derniers sont restés en
Turquie, à mi-chemin. Son avenir, c’est en Belgique qu’il le
voit : « Ici, j’apprends la langue, je veux poursuivre
mes études. J’ai toujours rêvé d’être policier, alors
pourquoi pas ici en Belgique ? Si le métier de policier n’est
pas possible pour moi, alors je peux me diriger vers d’autres
secteurs. Tout m’intéresse : l’électricité ou la cuisine,
c’est bon pour moi. » Comme ses camarades, un retour en
Afghanistan est inconcevable : « Nous avons fui les
menaces de Daech et des Talibans. Quand les extrémistes débarquent
dans un village, les jeunes de notre âge sont enrôlés de force.
Ceux qui refusent sont tués. »
Une richesse pour la
Belgique
Zaccaria, 15 ans,
est moins à l’aise en français. Il propose de continuer
l’entretien dans un anglais qui nous cloue le bec : « Au
Petit Château, nous sommes bien traités. Nous allons à l’école,
on nous apprend la langue. C’est nécessaire pour pouvoir
s’intégrer. Notre message est clair : si la Belgique nous
accepte, nous les jeunes Afghans, nous voulons travailler ici,
apporter notre contribution au pays. Nous sommes une richesse, pas
une menace. Mais pour cela, nous avons besoin de papiers. »
Tous les Afghans que nous avons rencontrés déplorent une situation qu’ils trouvent injuste: la Belgique peine à reconnaître le statut de réfugié pour les Afghans. Dans l’état actuel des choses, leurs demandes ont moins de chances d’aboutir que celles introduites par des Syriens par exemple.
Fuir la guerre en
Syrie
Notre ronde se
poursuit avec la rencontre de Joma’a, un Syrien de 35 ans tout
juste arrivé à Bruxelles avec ses neveux et nièces. Dans les bras,
il berce un petit garçon de quelques mois emmitouflé dans une
couverture tout en répondant à nos questions. « Nous
habitions à Homs. Je travaillais dans un laboratoire de soins
dentaires, j’avais une bonne situation là-bas. Mais les
bombardements ont détruit notre quartier. La plupart de nos amis
sont décédés. Nous n’avions plus de maison. Pour nous, rester
était devenu trop dangereux. »
Joma’a et sa
famille ont emprunté un itinéraire plutôt atypique pour arriver en
Belgique : via l’Egypte, le Maghreb, l’Espagne et la France.
Pour lui pourtant, la Belgique est un choix de destination qu’il
assume totalement. « Nous avons déjà de la famille ici »,
poursuit-il. Entre l’Espagne et la Belgique, le récit de leur
parcours rejoint celui des réfugiés irakiens croisés quelques
minutes plus tôt : des étapes de 4 heures maximum, agglutinés
dans des fourgons fermés.
Voilà deux heures que nous discutons avec les réfugiés. Hala, notre traductrice, s’excuse : « Je vais m’écrouler si je ne mange pas. » Nous en restons donc là pour les traductions. Elle accepte toutefois de nous expliquer son parcours. Libanaise, 26 ans, Hala termine ses études en Belgique. Voilà trois jours qu’elle est présente sur le camp.
« Je ne pouvais plus supporter les images de réfugiés sur les trottoirs, il fallait agir. Je me suis présentée spontanément au camp et j’ai proposé mes services de traduction. » Et pas que… Tout en traduisant, Hala continue à aiguiller les dons qui arrivent pas dizaines. Elle n’a pas une seconde de répit. Il faut dire que les crises humanitaires, elle connaît. En 2006 déjà, elle s’est engagée comme bénévole au Liban pour accompagner l’afflux de réfugiés palestiniens qui fuyaient les bombardements. De là à penser que des situations similaires – toutes proportions gardées – arriveraient à Bruxelles…
Car c’est bien de
cela qu’il s’agit : une crise humanitaire qui se déroule
sous nos fenêtres. On ne peut pourtant s’empêcher de penser qu’il
suffirait de « quelques minutes de courage politique »
pour régler le problème. Sur place, on dénombrerait entre 500 et
1000 réfugiés. On est ici loin, très loin, des images de marées
humaines incontrôlables telles qu’on a pu en voir à Budapest.
Dans le parc règne un certain calme, pour l’instant. D’ailleurs,
un œil non averti pourrait tout à fait traverser ce quartier de
Bruxelles sans remarquer ce qui se joue dans le parc. Nous nous
attendions à trouver des réfugiés partout à chaque coin de rue.
Pas du tout. Tous restent bien confinés sur la surface qu’ils
occupent.
A l’heure où nous
quittons le parc, les réfugiés font la file pour obtenir un
sandwich, un bol de soupe, un fruit ou un thé. De l’autre côté
du boulevard, les employés d’Electrabel font aussi la file. Devant
un foodtruck garé face à leur bâtiment. Douce ironie.
Nous espérons que
ce récit et ces portraits auront permis d’apporter quelques éléments
de réponse aux questions que se posent (parfois) à raison de
nombreux concitoyens. Résumons :
Pourquoi tant
d’hommes seuls ? Parce qu’ils sont conscients des dangers et
veulent épargner leur famille.
Pourquoi ont-ils des
smartphones dernier cri et des vêtements de marque ? Parce que
seule la classe moyenne peut se permettre de payer les passeurs et
venir chez nous.
Pouvons-nous
accepter toute la misère du monde ? Ce n’est pas la misère.
Les plus pauvres sont restés là-bas et mourront sous les bombes.
Ne risquent-ils pas
d’imposer la sharia chez nous ? C’est justement ce qu’ils
fuient chez eux.
Pour le reste, nous
vous laissons juger par vous-mêmes.
Photos : DavidCrunelle
POST SCRIPTUM
Après avoir conclu
ce récit, quelques précisions s’imposent.
Primo, nous tenons à expliquer pourquoi aucune femme ne figure dans nos portraits. Moins nombreuses que les hommes certes, les femmes sont toutefois bien présentes dans le camp. Question de culture sans doute, aucune ne se sentait à l’aise pour répondre à nos questions ou se faire photographier. La plupart s’occupaient des enfants. Nous aurions sincèrement voulu récolter l’un ou l’autre témoignage féminin. Peut-être une prochaine fois.
Primo, nous tenons à expliquer pourquoi aucune femme ne figure dans nos portraits. Moins nombreuses que les hommes certes, les femmes sont toutefois bien présentes dans le camp. Question de culture sans doute, aucune ne se sentait à l’aise pour répondre à nos questions ou se faire photographier. La plupart s’occupaient des enfants. Nous aurions sincèrement voulu récolter l’un ou l’autre témoignage féminin. Peut-être une prochaine fois.
Secundo, notre
visite du camp nous a également sensibilisés sur les besoins
urgents humains sur place. Dès le lendemain, avec plusieurs amis,
nous y sommes retournés pour apporter notre aide. Et nous y
retournerons tant qu’on aura besoin de nous. La description de
l’organisation du camp suivra dans un prochain récit détaillé.
L’impression qui en ressort est celle d’un joyeux bordel, qui
tient avec des bouts de ficelles, et des bénévoles qui se démènent
pour assumer des missions qui devraient normalement être celles de
l’Etat.
Tertio, l’afflux
chaotique de dons pose un vrai problème d’organisation dans le
camp du Parc Maximilien. Chaque jour, de nouveaux besoins spécifiques
se font ressentir. Mais il est impossible de les anticiper. Si vous
souhaitez apporter votre aide, plusieurs pages Facebook recensent,
pratiquement heure par heure, les appels aux dons et aux bénévoles :
merci pour ce poignant reportage et merci à toi David pour ces photos qui en disent long.
RépondreSupprimerOui moi aussi j'y étais samedi et en effet c'était limite apocalyptique dans une capitale dite de l'europe où il n'y avait pas un seul membre du gouvernement .
Ce que je voulais aussi signaler et que sans doute pour vous la priorité était les réfugiers et vous avez raison ; ce sont les larcins des ROMS ; ils étaient toute une bande particulièrements des femmes , fondus dans la masse , se faisant passer pour des syrienne quand un jeune policier vient me voir pour me demander si je voulais traduire car le bruit courrait qu'ils étaient là , en effet je suis tombée sur une vielle dame , je m'adresse à elle en arabe , les yeux hagards , bafouille et en effet nous sommes tombés sur une tente remplie de couvertures , de tentes , de produits d'hygiène et d'aliments non périssables et finalité de l'histoire une estafette les attendait dehors côté Yser qui était déjà bien chargée.Bref j'avais aussi envie de parler de cette malveillance et ce profit du désarrois des autres sans peine et sans reproche.
Merci Samira
Je comprends le sentiment que cela peut provoquer, mais il ne faut pas oublier que toutes les personnes qui vont "se servir" au Parc Maximilien sont de toute façon très précarisées, quel que soit leurs origines. Des "bons belges de souche" (comme certains aiment à les nommer) viennent également récupérer ce qui peut être utile à leur quotidien, avant de retourner vivre leur misérable quotidien dans les taudis jouxtant la gare du Nord.
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